Voyage initiatique au Kerala par Yveline Crépeau

Voyage initiatique au Kerala,  berceau de l’ayurveda et du yoga
Carnet de voyage d’Yveline CRÉPEAU- août 2009

En Juillet 2009, après le séminaire qui clôturait ma formation avec Marina Margherita, l’idée d’un voyage en Inde était une évidence, très vite devenue une obsession.

Catherine, une de mes amies,  avait profité d’un  voyage au Kerala en mars 2009 qui alliait yoga, massages ayurvédiques et tourisme. Sandrine, professeur de hatha-yoga issue de l’école Van Lysbeth, avait justement une place disponible pour le voyage qu’elle organisait en août 2009.  Hasard, coïncidence …. Sans me poser de questions, je m’inscris au voyage et intègre ainsi  un groupe de 8 personnes, toutes adeptes du yoga.

A notre arrivée en Inde à Kochin, un mini bus privé nous conduit au village de Kattoor, près d’Allepey, où nous séjournerons pendant 3 jours « chez Joseph », une  maison d’hôte avec piscine (un luxe suffisamment rare pour être souligné) entourée d’un jardin où la végétation n’en finit pas de pousser avec insolence.

C’est la saison des moussons, mais  les effets  y étant moindres au Kerala, seules les nuits seront pluvieuses le temps de notre séjour.

Le premier jour est réservé à la détente et à la découverte de Marari Beach, une plage à perte de vue, presque déserte ; quelques pêcheurs s’affairent à  l’inventaire de leur prise. Nous sommes les seuls touristes.
Le lendemain, Krishna, professeur de Hatha-yoga, nous  donne un cours de 6 h 00 à 8 h 00 sur une terrasse  dans le prolongement de la plage, condition idéale pour commencer notre journée avec les embruns matinaux. Malgré ses 70 ans, Krishna a gardé toute la souplesse de sa jeunesse. Les postures du paon (mayurasana) et du coq (Kukkutasana) sont un jeu d’enfant pour lui !!

Sur le chemin du retour à notre hébergement, nous rencontrons de nombreux enfants qui se rendent à leur école, tous apprêtés en uniforme scolaire. Ils nous saluent en nous offrant leur plus beau sourire.
Mon envie de découvrir la vie indienne me rend attentive à tout ce qui se passe autour de moi.
Après un petit-déjeuner à base de chappattis et autres ingrédients indiens, nous visitons les alentours.
Dans l’après-midi, nous sommes attendus pour un spectacle privé de Kalarippayat dans la forêt, un art martial développé en Inde,  « improvisé » par trois jeunes athlètes.
Au crépuscule, au retour d’une promenade, nous assistons au rassemblement de femmes dans l’église du village. Elles arborent avec une élégance raffinée de beaux saris aux couleurs vives. Les hommes suivront l’office religieux assis à l’extérieur.

Le lendemain, je reçois mon premier massage ayurvédique.
Pour adapter le massage à chacun de nous, le médecin du centre nous interroge individuellement, puis donne ses instructions à deux jeunes filles pour un massage à 4 mains,  mains aux doigts frêles, mais expertes.
La cabine de massage est très cossue, toute en bois, ouverte sur un jardinet, avec pour musique l’eau d’une petite fontaine : zénitude assurée.

Comme le veut la coutume, l’une des masseuses prie avant de me malaxer le cuir chevelu avec une poudre orangée. Très vite je me retrouve couverte d’huile de la tête aux pieds, pétrie de part et d’autre : abandon et lâcher prise du corps et de l’esprit. Mes gentilles masseuses m’aident à me retourner, tant l’huile me rend glissante comme une anguille.

Après ce massage de ¾ d’heure, je suis enduite d’une poudre ayurvédique à base de végétaux, des pieds à la tête pour mériter une bonne douche. Ce moment, délicieusement vécu, a vraiment effacé toute la fatigue du voyage.
Le jour suivant, nous nous rendons en rickshaw –moyen de locomotion typique de l’orient- à Allepey pour une croisière d’une journée sur les backwaters constitués de lagunes et de lacs d’eau saumâtre formant un réseau de 1.500 km de voies navigables. L’accueil à bord de notre bateau est chaleureux ; l’air est embaumé du parfum  des colliers de fleurs de jasmin frais offerts à notre arrivée  à bord,  que nous garderons toute la journée autour du cou.  Le bateau, embarcation traditionnelle dont le nom est « Kettuvalam » s’avère agréable,  confortable et bien aménagé.

La nonchalance prédomine pendant toute la promenade, bercée par les flots. D’un côté du canal, se succèdent des rizières à perte de vue, d’un vert vif,  dans lesquels des femmes pliées en deux piquent inlassablement le riz, les jambes dans l’eau jusqu’à la hauteur des genoux… dur labeur. De l’autre côté, des terres en jachère défilent.
Le long des rives, c’est le film de la vie quotidienne qui se déroule sous nos yeux : un  enfant joue, court tout naturellement après un ballon à quelques centimètres du précipice; une femme fait la lessive familiale dans le canal, une autre sa vaisselle ; plus loin un homme se lave dans cette eau saumâtre …..autant de scènes naturelles qui ne manquent pas de nous surprendre.

Nous accostons pour aller à la rencontre d’un pêcheur qui nous propose de magnifiques gambas fraîchement pêchées. Nous les achetons à un prix dérisoire (pour nous !) pour agrémenter notre déjeuner à bord servi sur des feuilles de bananiers ; pour terminer la journée, notre guide entonne une chanson indienne a capella. Croisière inoubliable !!

Le lendemain, une nouvelle aventure nous attend : un voyage en train pour nous rendre à Kovalam, site balnéaire touristique. Dans le wagon aux fenêtres sans vitre, nous nous éparpillons au milieu de la  population locale avec qui nous échangeons quelques mots accompagnés de quelques gestes.  Les portes ouvertes assurent une climatisation naturelle plus efficace que les  ventilateurs impuissants accrochés au plafond. Nous nous en rendrons vite compte lors des arrêts intempestifs qui font partie de tout voyage ferroviaire indien.  La télévision nous offre un programme de films de Bollywood tant appréciés des Indiens.
A bord, il y a un défilé incessant de marchands : vendeurs de Tchaï ( thé indien sucré avec du lait et de la cardamone), de repas très épicés, même en guise de petit-déjeuner, de billets de loterie nationale, de  livres en tout genre, de gadgets, etc.

Rien de tel en arrivant qu’un bon massage pour gommer la fatigue et la moiteur du voyage.
Cette fois-ci, je découvre les vertus du shirodhara (de l’union des 2 mots : « shir » tête et « dhara » flux). Ce massage est réalisé grâce à un filet d’huile chaude qui s’écoule lentement sur le front, au niveau du troisième œil pendant 30 minutes, ce qui m’amène inéluctablement à m’intérioriser profondément. Particulièrement relaxant, il apaise le mental en libérant toutes les tensions physiques, nerveuses et émotionnelles.
A 6h du matin, Harry Krsna, notre professeur de yoga du jour, nous donne le cours sur la terrasse de l’hôtel  en commençant par une légère relaxation, allongés sur le dos, alors qu’il nous chante des mantras. Nous enchaînons avec le pranayama, Kapalabati, puis nadi shodanam, suivi des exercices  pour préparer notre corps à effectuer chandelle, charrue, poisson, cobra, l’enfant, le triangle et la posture sur la tête. Pendant la relaxation entre chaque posture, Harry nous chante le AUM. Nous finissons par la salutation au soleil, suivie d’une séance de yoga-nidra de 20 minutes, guidée d’une voix mélodieuse et pleine d’attention, fort appréciée après ce programme soutenu de postures.

La séance se termine en s’enserrant les épaules chacun  individuellement pour s’aimer et s’accepter. Avant de nous quitter, Harry Krsna aura une attention délicate en offrant une fleur à chacun de nous.
L’après-midi,.C.T.V nous expose pendant 3 heures les bienfaits du « pranic healing » qu’il exerce lui-même : méthode très ancienne qui fait partie du yoga thérapeutique avec une approche holistique pour soigner non pas la maladie, mais la personne, le principe général étant que le corps a la possibilité de se guérir lui-même. C.T.V exécute sur plusieurs d’entre nous les techniques de nettoyage de l’aura, notre corps invisible. Vaste sujet très intéressant qui nécessite plus de temps pour mieux appréhender les bienfaits du « pranic healing ».
La prochaine destination nous amène à Teekoy dans la région montagneuse de Kottayam. Nous résidons dans une maison coloniale  des années 1940 au joli nom de « Vanilla County »  située parmi des plantations de vanille et d’hévéas.  C’est un petit paradis : des chambres d’hôtes d’un bon standing, une cuisine raffinée que Rani, la maîtresse de maison, concocte elle-même. Quant à Baby Mathew, son mari,  il est le guide idéal pour nous montrer  toutes les étapes de la confection du caoutchouc lors d’une randonnée au milieu des plantations d’hévéas.  O surprise, parmi les rochers, nous découvrons une piscine naturelle, avec son jaccuzi tout aussi naturel formé par les chutes d’eau claire et pure de la montagne. Nous profitons allègrement de notre baignade pour nous ressourcer avant de poursuivre notre randonnée.

Yogacharya Alosyus,  professeur de yoga thérapeutique, guide la séance matinale de yoga sur la pelouse du jardin de Vanilla County,  très attentif et à l’écoute pour conseiller les postures les plus adéquates en fonction de la pathologie de chacun.  Alosyus, très connu dans la région, enseigne également le yoga à l’école publique. Outre les postures et le pranayama, Alosyus nous initie au neti, techniques de purification des yeux et du nez, ce qui était une première pour la majorité d’entre nous.

L’après-midi, Baby Mathew  nous conduit à l’ashram Kurisumala, situé à Vagamon au sommet de  la montagne.

Cette communauté de moines cisterciens fut fondée au début du XXème siècle par Francis Acharya (un cistercien belge) ; une vingtaine d’hommes de différents horizons vivent des produits de leur laiterie, mais surtout de prières et de méditation qu’ils accomplissent 7 fois, jour et nuit, et pratiquent le karma-yoga.

Cette communauté de moines cisterciens fut fondée au début du XXème siècle par Francis Acharya (un cistercien belge) ; une vingtaine d’hommes de différents horizons vivent des produits de leur laiterie, mais surtout de prières et de méditation qu’ils accomplissent 7 fois, jour et nuit, et pratiquent le karma-yoga.

Grâce à l’entremise de Baby Mathew, nous assistons à l’office religieux de 19 h 00 donné par ces hommes sans âge, vêtus de blanc, certains portant une longue barbe, retirés de toute civilisation qui, en dehors des offices religieux, observent un silence permanent. Pour nous imprégner et accueillir pleinement cet instant chargé de spiritualité, nous méditons pendant une demi-heure avant l’arrivée de la communauté dans la petite chapelle : moment très fort de communion, de partage et de respect mutuel.

Je me souviens qu’au retour, chacun a gardé le silence pour ne pas rompre la plénitude totale dans laquelle l’ambiance de cet ashram nous avait plongés.

Le jour suivant, nous prenons le bus pour Fort Kochin, notre dernière étape. C’est une expérience de « subir » la conduite indienne, c’est-à-dire hors de toutes règles du code de la route, avec l’usage du klaxon à outrance et un système d’avertissement très rudimentaire en frappant sur la tôle pour tancer le conducteur de se garer au moment du doublement, même en cas de ligne continue…  Après quelques kilomètres, je décide de m’en remettre à la grâce du divin, pour profiter de la nature luxuriante qui longe notre périple. Là encore, la promiscuité avec la population locale favorise nos échanges, toujours très cordiaux, souriants et naturels.
A Fort Kochin, c’est le retour parmi la frénésie de cette ville coloniale et des touristes, où nous visitons l’église, la synagogue, le palais hollandais et le musée portugais. Règne encore l’atmosphère des anciens comptoirs dans les ruelles tortueuses et pittoresques. C’est de Kochin, port principal, d’où partent  les bateaux chargés d’épices pour l’étranger.

Le lendemain, Joy, professeur d’ashtanga-yoga nous guide lors de la séance matinale, finalement quelque peu « adoucie » par  le yoga du son avec des mantras chantés et un travail sur les chakras entrecoupés de sons repris en cœur et spécifiques selon le chakra.

L’après-midi, je savoure mon dernier massage ayurvédique qui se finit par un bain de vapeur dans un caisson en bois pour que mon corps absorbe toute la quintessence des huiles essentielles utilisées pendant ce massage.
Le soir, nous assistons au spectacle de Kathakali, art traditionnel du Kerala composé de danse et musique classiques indiennes, mimes, arts martiaux avec des costumes rutilants, un  maquillage exacerbé qui met en valeur le travail des yeux, des expressions et des sentiments des acteurs qui nous transmettent les messages millénaires de ces contes de la mythologie indienne.

Sajee, notre dernier professeur de yoga, nous accueille chez lui où 80 % de son habitation sont destinés au yoga : une pièce dont les murs sont ornés de dessins montrant la salutation au soleil, les différents chakras, quelques symboles sacrés et les 12 postures de base du hata-yoga, que nous exécuterons dans l’ordre suivant : posture sur la tête, chandelle, charrue, pince, cobra, poisson, sauterelle, arc, torsion assise, corbeau, triangle, et pour terminer une pince debout… suivie d’une relaxation plus que nécessaire.
Raisonnent encore dans ma tête les intonations chantantes des  « inhale », « exhale », « relax » qui rythment notre séance de yoga.

Grâce aux liens d’amitié que Sandrine a su nouer avec Sajee, nous avons l’immense privilège de partager le petit-déjeuner préparé par la mère de Sajee, que nous dégustons à même le sol de notre salle de yoga, le meilleur petit-déjeuner indien en ce qui me concerne, parfumé d’épices douces et non pimentées.

danse indienne

Malgré la densité de ce voyage de 12 jours – séances matinales de yoga presque quotidiennes de 2 à 3 heures, massages ayurvédiques, déplacements en avion, train, bus, rickshaw et randonnées-, je suis revenue très détendue et tonique.

Quelles richesse de m’être « frottée » à plusieurs techniques de yoga données par 5 professeurs locaux ! Néanmoins cela m’a permis d’apprécier plus encore le bien fondé du yoga adapté à la personne que  je pratique et que j’enseigne.
Le Kerala m’a séduite par ses couleurs, ses parfums de fleurs et d’épices, ses enfants joyeux (j’ai vu peu de mains tendues), ses femmes aux longs cheveux noirs soyeux rivalisant d’élégance dans leur sari coloré, ses résidents naturellement accueillants, ses paysages verdoyants et sa douceur de vivre.
Le Kerala  n’est pas la région des temples, seul manque que j’ai éprouvé, mais que je vais assouvir lors de mon prochain voyage dans le Tamil Nadu.

Le voyage en images

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